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Enfant adopté : satisfait ou remboursé !

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C’est probablement ce que nous pourrons lire bientôt dans les contrats d’adoption. Voire pourquoi pas l’étiquette avec le prix dessus et un code barre avec un temps pour le retourner à l’agence si l’essai ne convient pas, tel un produit de consommation acheté au supermarché. En tout cas, c’est ce à quoi nous préparent les Etats-Unis…

 

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Source : liberation.fr

 

Trouver un foyer n’est pas chose facile. Ni pour les parents ni pour l’enfant. L’adoption soulève souvent des problèmes relationnels, notamment dans les premiers temps (l’acclimatation) ou vers l’adolescence où l’enfant se rebelle pour trouver qui il est. Déjà abandonné une première fois, il est en conflit avec beaucoup d’émotions et se « cherche ». Que peut-il penser alors de lui-même lorsqu’une deuxième fois, il est « remis sur le marché » ?!

Certaines familles adoptives américaines créent une nouvelle tendance en remettant en « vente » l’enfant sur Internet : « cède enfant adopté, 10 ans, 3 500$ HT« . Cela s’appelle le rehoming, un business chapeauté par des agences privées sans scrupules, hors de tout contrôle.

C’est le cas de Dylan, 10 ans, un regard malicieux et un sourire charmeur sur sa photo, passionné de jardinage. Une petite annonce sur Facebook donne ses caractéristiques, tel un site e-commerce :

« Il n’a pas été diagnostiqué hyperactif et ne prend pas de médicaments. Il est capable de bien se concentrer et il adore faire des puzzles », explique la page Facebook qui le présente à l’adoption. Même son « prix » est affiché : 3 500 dollars (2 600 euros) de frais d’agence, plus 200 dollars d’enregistrement et de 1 500 à 2 500 pour les avocats. Le tout déductible d’impôts, précise l’annonce publiée sur Second Chance Adoptions. Dylan a été adopté en Russie mais ses parents ne veulent plus de lui.

 

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Source : pratique.fr

 

Le rehoming est un marché pour les secondes mains, et le cas de Dylan n’est malheureusement pas isolé. Comme des dizaines d’enfants dans son cas aux Etats-Unis, il se retrouve confronté à un double abandon avec en plus, une étiquette commerciale. Comment l’enfant peut-il se construire de manière équilibrée après cela, on se le demande !

Le rehoming est un terme habituellement employé pour les animaux, ce qui suscite une grande controverse. L’agence qui propose Dylan réprouve ce terme mais cela ne l’empêche pas de le pratiquer. Et comme l’enfant est une « seconde main », son prix est en adéquation : il devient discount.

En effet, une adoption « classique » coûte entre 10 000 et 30 000$ aux USA, alors qu’avec cette pratique, les parents peuvent avoir un enfant à moitié prix, voire complètement gratuit. Amis pédophiles, Bonjour… ! On imagine facilement les dérives que cela peut engendrer…

« Les parents ne sont pas toujours bien préparés à des enfants qui peuvent être difficiles », explique Sandra Moats, qui en élève dix-neuf, dont dix « réadaptés » abandonnés par leurs premières familles américaines. « Parfois, le lien ne se fait tout simplement pas. C’est un phénomène commun, estime cette pasteure dans l’Idaho. On en voit entre quinze et vingt par mois auxquels il faut trouver de nouveaux parents. Mais ces drames ont parfois des issues heureuses. Beaucoup de familles finissent par trouver leur bonheur et celui de ces enfants. »

Aucun décompte officiel de ces adoptions de seconde main n’est fait aux Etats-Unis, mais on y estime que 1 à 10% des adoptions d’enfants à «besoins spéciaux» (handicaps ou troubles du comportement) sont dissoutes, rappelle un récent rapport du Congrès. Au regard des plus de 100 000 cas finalisés chaque année dans le pays, ceux-ci restent donc exceptionnels. Ils se comptent tout de même par centaines, voire par milliers. 

 

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Source : pratique.fr

 

 

«C’EST NOTRE CROIX À PORTER»

 

Dylan n’est pas seul dans cette situation. Sous sa fiche Facebook, ces jours-ci, il y a aussi celles d’Annie, Caleb, Janell, Tyler, Tina, Kylie, Tanner, Breanne ou Vance, adoptés une première fois à l’étranger ou aux Etats-Unis. De vrais petits angelots, avec une histoire résumée en quelques lignes et toute aussi triste que celle de Dylan.

Vance a été accueilli en Europe de l’Est à 3 ans puis dans une famille américaine et doit, à 12 ans, changer à nouveau de parents. Il est « athlétique », « intelligent », récolte de bonnes notes à l’école et n’est « généralement pas agressif ». Mais quatre autres plus petits ont été adoptés et Vance « irait sans doute mieux dans un foyer moins nombreux où il serait le plus jeune, voire le seul », explique sa fiche.

« Nous faisons là une contribution humanitaire », se justifie Cyndi Peck, responsable du programme « Second Chance » de Wasatch International Adoptions, une agence privée enregistrée dans l’Utah qui gère cette page Facebook. « Ce n’est pas un programme qui nous rapporte de l’argent », ajoute la responsable, détaillant, pour preuve, ses tarifs : la famille qui cède son enfant ne paye « que » 950 dollars à l’agence, contre 3 500 pour les réadoptants. Ces frais couvrent à peine le travail de sélection, explique Cyndi Peck, racontant passer de longues heures en conférence téléphonique avec les parents, actuels et futurs, pour s’assurer qu’ils ne cachent rien. Placer un enfant lui prend entre quelques semaines et plusieurs mois – les plus jeunes et les moins troublés partent plus vite.

Ces placements de seconde main sont « la face noire de l’adoption », reconnaît Cyndi Peck elle-même. Mais ils répondent à un vrai « besoin » : « Tout cela est très douloureux, pour les enfants et les familles qui doivent se séparer d’eux. J’ai souvent les parents en pleurs au téléphone. Ils pensaient que tout serait merveilleux pour eux comme pour le petit. » Sur les forums américains spécialisés, on trouve aussi de nombreux témoignages, souvent très détaillés : « Je n’arrive pas à m’attacher à eux », racontait ainsi en janvier et février sur le site adoption.com, la maman de deux enfants de 5 et 6 ans, adoptés à leur naissance et dont elle envisageait de se séparer. « Je me sens horrible», écrivait-elle, avouant avoir mis au monde deux enfants et éprouver pour eux des sentiments qu’elle n’a jamais eus pour les deux aînés : «J’aimerais vraiment pouvoir les aimer comme mes enfants biologiques mais je ne crois pas que je le pourrai. » Son mari ne la comprend pas, « il me dit que c’est notre croix à porter », expliquait-elle encore dans cet appel au secours, ajoutant que son couple risquait aussi de sombrer.

« Il y a un vrai besoin, confirme un spécialiste américain de l’adoption qui préfère rester anonyme sur ce dossier trop sensible. Ce dont il est question ici, ce n’est pas de simples caprices de parents qui n’en peuvent plus parce que le petit Johnny ne fait pas ses devoirs. Il s’agit souvent d’enfants vraiment très troublés, qui vont faire du mal à leurs frères et soeurs ou brûler la maison. »

 

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Source : utile.fr

 

 

PAS BESOIN DE PLUS QU’UNE SIMPLE PROCURATION

 

Le professeur Richard Barth, père adoptif lui-même et spécialiste des services de l’enfance à l’université du Maryland, explique qu’il y a un vrai manque de structures et de soutien pour les familles qui rencontrent ce genre de difficultés :

« Une famille qui n’arrive plus à faire face à son enfant peut théoriquement le placer dans un établissement de soins, mais c’est très cher. S’il a été adopté aux Etats-Unis, certains Etats paieront ses soins mais ce n’est pas le cas s’il a été adopté à l’étranger, observe le professeur Barth. Les parents peuvent aussi demander à la justice de le placer sous la protection de l’Etat. Mais il leur faut alors s’accuser de nuire gravement à l’enfant, et trouver un tribunal compréhensif. »

 

Il est vrai qu’une accusation de mauvais traitement ne fait pas super bon effet, et que de ce fait, l’alternative de l’agence peut être une solution, ou encore l’échange avec un autre couple. Et pour cela, les démarches sont simplifiées : une simple procuration enregistrée chez un notaire suffit, et ainsi la nouvelle famille devient la tutrice légale et peut inscrire l’enfant à l’école, recevoir les allocations, tout cela sans aucun contrôle. Pour une réadoption complète, un passage au tribunal est nécessaire et un minimum de contrôles effectués pour s’assurer que les nouveaux parents sont bien aptes à accueillir.

 

Selon l’agence Reuters, dans une enquête choc sur ce « marché clandestin des enfants adoptés », en septembre 2013, sur un forum Yahoo intitulé «Adopting from Disruption», un nouvel enfant était proposé chaque semaine en moyenne ces cinq dernières années. Plusieurs ont même été trimbalés de famille en famille, et quelques-uns se sont retrouvés chez des pédophiles notoires, a révélé Reuters.

A la suite de cette enquête, Yahoo a fermé le groupe et plusieurs des 50 Etats américains se sont penchés sur la question et ont commencé à renforcer leur législation pour assurer un peu plus de contrôles. Une loi votée en avril au Wisconsin interdit à toute personne qui n’est pas spécialement licenciée par l’Etat de faire la publicité d’enfants de plus de 1 an et de les présenter à l’adoption. Elle oblige les familles à passer par un tribunal s’ils veulent transférer la garde à une personne autre qu’un parent. Mais beaucoup d’autres Etats américains continuent de fermer les yeux sur ces annonces en ligne et les transferts.

 

UNE PETITE ENTREPRISE QUI NE CONNAîT PAS LA CRISE…

 

« L’adoption est suffisamment contrôlée comme cela, estime Sandra Moats, la maman de l’Idaho aux 19 enfants. Ce qu’il faudrait, c’est plutôt que les parents adoptifs soient mieux intégrés dans leurs communautés, qu’ils aient des gens à qui parler en cas de difficultés. » A 69 ans, Sandra continue sur sa lancée et est encore en train de finaliser l’accueil d’une fille de 15 ans, rejetée par sa première famille d’adoption où elle a passé six années. Sandra assure ne pas les collectionner mais répond présente quand « Dieu », généralement par le biais d’une agence (les voix du Seigneur sont impénétrables dit-on !), lui demande si elle pourrait accueillir encore un abandonné. « Le voyage est souvent rude avec eux, reconnaît-elle aussi. J’ai même parfois dû appeler la police chez moi pour une de mes filles qui voulait se mutiler ou se suicider.» Mais avec beaucoup de présence (Sandra se définit comme « maman vingt-quatre heures sur vingt-quatre » et les instruit elle-même à la maison), elle constate que ses chérubins s’en sortent plutôt bien. Les plus âgés entament maintenant leur vie professionnelle, comme assistante médicale ou manager de restaurant.

« Le fait même qu’il y ait tous ces cas de « rehoming » prouve plutôt que l’adoption n’est pas correctement encadrée aux Etats-Unis, estime au contraire Niels Hoogeveen, adopté lui-même et co-fondateur du site Pound Pup Legacy, qui collecte les récits noirs d’enfants placés en familles ou institutions. L’adoption est une industrie aux Etat-Unis. Les agences privées sont si nombreuses que personne ne peut vraiment les contrôler. Elles peuvent même avoir intérêt à placer les enfants dans des familles qui ne leur conviennent pas, pour les replacer ensuite. Les dossiers sont aussi finalisés beaucoup trop vite, parfois immédiatement après l’arrivée de l’enfant aux Etats-Unis. Il faudrait prendre deux ou trois ans, pour contrôler ce qui se passe dans la famille durant ces premiers mois.» Le «rehoming» risque aussi de devenir plus fréquent aux Etats-Unis ces prochaines années, redoute Adam Pertman, directeur du Donaldson Adoption Institute : « Avec tous les pays qui se ferment ou réduisent l’adoption internationale, les enfants adoptés à l’étranger sont de plus en plus âgés, ou ont des besoins particuliers. Et souvent les parents n’y sont pas assez préparés. Il est temps de faire quelque chose, avant que le problème ne s’aggrave.»

 

On ne peut s’empêcher de se demander cependant, si les familles ne vont pas adopter plutôt que de faire des enfants, s’ils sont si facilement « échangeables » sur Internet. Quant aux dérives qui vont avec et qui mettent les enfants en péril… Un long chemin dans le domaine de l’adoption reste encore à parcourir, et espérons qu’un jour, on prenne enfin en compte le ressenti des enfants et pas seulement celui des parents.

 

 

 

Source : Libération

 

 

 

 

 

 

 

 

À propos Anne-Line

Social media manager, community manager, rédactrice ou encore chef de projet, cette dynamique auto-entrepreneuse a plus d'une corde à son arc. Passionnée par les médias et les réseaux sociaux, Anne-Line est aussi une grande voyageuse, menée toujours plus loin par sa curiosité insatiable.

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